Restauration du Monastère (1817)
Achat d’une maison (février 1820)
Nous fûmes toutes d’avis d’accepter cette proposition généreuse, quoique la somme fût indigne, en la comparant aux dépenses énormes où nous entraîneraient une telle entreprise : mais il ne nous était pas permis de douter que la Providence, en nous procurant un secours si peu attendu, ne voulût nous faire connaître que Ses moments étaient arrivés pour nous, et qu’il était temps de mettre la main à l’œuvre. Cette indication fut encore plus sensible, lorsque le propriétaire de la maison où nous avions établi notre pensionnat, Mr de Mezai, vint lui-même nous l’offrir, quoique plusieurs fois il se soit refusé à s’en défaire.
Après avoir pris les mesures nécessaires à l’examen et à la conclusion de cette affaire on passa, le 24 février 1820, le contrat qui nous mis en possession de cette acquisition. Des locataires qui ne quittèrent qu’à la Saint Jean les appartements qu’ils occupaient, retardèrent jusqu’à cette époque notre entrée en jouissance. Il est facile de se figurer avec quelle joie nous vîmes tomber les hauts murs qui séparaient notre pauvre petit jardin de celui que nous venions d’acquérir ! Les cœurs se dilataient, la satisfaction brillait sur tous les visages ; un air plus pur et plus salubre semblait donner une nouvelle existence ; chacune commençait à voir réaliser ses espérances et en bénissait le Seigneur.
Mais la consolation particulière de notre digne fondatrice est inexprimable. Au milieu de tous les avantages qu’elle appréciait vivement, celui auquel elle était le plus sensible était la perspective de parvenir à établir dans la maison les différents offices indispensables pour la régularité, et au défaut desquels les emplois ne peuvent être qu’imparfaitement remplis. Elle avait inutilement gémi jusqu’alors des entraves qui la mettaient dans l’impossibilité d’y pourvoir, et elle ne voyait pas avec moins de peine les santés se détruire, faute d’un espace suffisant pour y prendre l’exercice nécessaire.
D’après cet exposé, on sent quel prix nous avons dû attacher à l’agrandissement, assez considérable, de notre jardin ; seul lieu où nous puissions jouir de l’avantage de la promenade et respirer, au moyen des démolitions, un air que l’élévation du quartier rend excellent. Il est vrai de dire que la clôture n’était pas encore rigoureusement établie, et ne le pouvait être de longtemps, ce qui peinait extrêmement notre chère fondatrice, qui eut besoin d’être tranquillisée à ce sujet par plusieurs personnes respectables, surtout par la digne Mère Marie-Régis de Montjoie, qui lui fut d’un grand secours, et qui nous prouva efficacement l’intérêt qu’elle portait à notre établissement naissant.
Du moins toute espèce de sortie a-t-elle cessé depuis l’arrivée de nos bien-aimées Fondatrices ; les entrées étaient rares et notre digne Mère n’y acceptait que Monseigneur, Mr notre Père Spirituel, et les Ecclésiastiques qui avaient la bonté de nous administrer les Sacrements, et qui, pour aller à notre Chapelle, n’avaient d’autre issue qu’une chambre qui nous servait de salle d’assemblée. Il fallait de même qu’aux jours de prise d’habit, de profession ou de fête extraordinaire, elle fût un lieu de passage pour les parents des Sœurs et autres personnes qu’on ne pouvait refuser d’admettre à ces cérémonies.
Cette servitude ne devenait cependant pas une occasion d’abus : on était accoutumé, en pareil cas, à entrer et à sortir sans compliment ni conversations. Il n’en résultait pas moins une grande gêne pour nous. Nous en soupirions plus ardemment vers l’heureux moment qui nous permettrait de construire un chœur et une Église. Alors notre Oratoire, qui avait été agrandi deux fois et réparé provisoirement, devint notre salle d’assemblée, comme étant une des plus belles et des plus grandes pièces de la maison.