Humilité
Introduction à la Vie Dévote III, 4
« Considérons, ma Philothée, les grâces que Dieu a mises en nous, et les maux qui nous sont arrivés de nous mêmes : l’un et l’autre nous provoquera puissamment à l’humilité ; car, qu’est ce qui nous peut tant humilier devant la miséricorde de Dieu que la multitude de ses bienfaits, et qu’est ce qui nous doit tant humilier devant sa justice que la multitude de nos péchés ?
Notre cœur ne peut avoir que deux sortes de séjour assuré : son origine et sa fin ; en tout le reste il n’y doit être que par manière de passage. Or il est extrait du néant, et Dieu est sa souveraine fin : il faut donc qu’en attendant d’arriver à la possession de Dieu la haut au Ciel, il demeure en son néant ici bas en terre. J’appelle vaine gloire, ma Philothée, non pas la connaissance que nous avons de ce qui est en nous, mais la folie avec laquelle nous nous en estimons davantage […]. Au contraire, je désire que nous connaissions bien les grâces que Dieu nous a faites et les qualités desquelles il nous a doués afin que nous les appliquions fidèlement à son service et lui en rendions grâces. Mais de nous en estimer davantage pour cela, c’est une vanité insupportable. »
Introduction à la Vie Dévote III, 5
« La vraie humilité ne fait pas semblant de l’être et ne dit guère de paroles d’humilité, car elle ne désire pas seulement de cacher les autres vertus, mais encore et principalement elle souhaite de se cacher soi- même ; et s’il lui était loisible de mentir, de feindre, ou de scandaliser le prochain, elle produirait des actions d’arrogance et de fierté, afin de se receler sous celles-ci et y vivre du tout inconnue et à couvert.
Voici donc mon avis, Philothée : ou ne disons point de paroles d’humilité, ou disons les avec un vrai sentiment intérieur, conforme à ce que nous prononçons extérieurement ; n’abaissons jamais les yeux qu’en humiliant nos cœurs ; ne faisons pas semblant de vouloir être des derniers, que de bon cœur nous ne voulussions l’être. »