Fondation du Monastère de Metz, 56ème de l’Ordre, établi d’abord le 24 avril 1633 – retranscription de l’original sis aux Archives Départementales de Moselle
Chapitre XIII. Page 90
Monsieur Morlanne n’avait pu réussir à doter Metz d’un Campo sancto, ou d’une crypte modèle ; il tenta du moins de conserver au culte et à la Religion l’église de l’ancienne Visitation Sainte-Marie. Cet édifice méritait d’être sauvé de la ruine. Ses dimensions étaient bien proportionnées ; sa coupole élégante et le style de la renaissance, adopté par les Religieuses portaient le cachet d’une grande pureté. Cette fois, ont cru que notre concitoyen avait été compris et écouté. En effet, sur les instances de Monsieur Morlanne, l’église de la Visitation, à peine terminée au moment de la révolution, fut acceptée par Monseigneur Besson successeur de Monseigneur Jauffrey, et devint chapelle militaire pour les casernes Coislin, de la Basse-Seille et de la gendarmerie. Monseigneur l’Évêque en fit lui-même la bénédiction et la dédia à Saint-Charles, patron du roi Charles X. Tous les dimanches, une ou plusieurs messes militaires y étaient célébrées ; Messieurs les Aumôniers des régiments de la garnison y venaient faire des instructions et y exercer le saint ministère en faveur des soldats de bonne volonté. […]
Lorsque survint la Révolution de Juillet, si désastreuse au point de vue religieux, l’aumônerie militaire fut supprimée ; les aumôniers furent licenciés et dispersés ; la chapelle Saint-Charles redevint silencieuse et chapelle privée ! Nous n’essaierons point de dire la déception et le chagrin de M. Morlanne. Cependant un événement imprévu fit un instant encore espérer de voir utiliser religieusement le monument des anciennes visitandines. M. L’Abbé Henri Lacordaire, l’éloquent conférencier de Notre-Dame vint prêcher à Metz et y obtint un succès inespéré.[…] Monsieur Lacordaire s’empressa de profiter du concours unanime qu’il rencontrait dans la population de Metz pour fonder une oeuvre encore inconnue alors, mais aujourd’hui célèbre et répandue dans le monde entier ; nous voulons dire : la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Le local manquait pour les conférences, pour les exercices religieux, pour la bibliothèque.
Monsieur Morlanne comprit aussitôt tout le bien que pourrait faire à Metz une Société d’hommes éclairés et charitables, donnant la main aux familles pauvres, distribuant des secours, moralisant, évangélisant, secourant au nom de la Sainte Providence du bon Dieu. Il offrit à la Société naissance son église de Saint-Charles et les locaux nécessaires.
M. L’Abbé Lacordaire y prêcha plusieurs fois et réussit à grouper autour de lui les hommes chrétiens qui devinrent les fondateurs de la Conférence de Metz. L’éloquent prédicateur n’animant plus de sa présence la Conférence se réduisit à un petit nombre de membres ; ce vaste local leur fit peur, ils l’abandonnèrent. Dans le cours de l’année 1852, Monsieur Morlanne crut avoir enfin trouvé pour ces immeubles une destination pieuse et définitive. Monsieur l’Abbé Hetzel, Chanoine de Metz, aumôniers des Soeurs de la Maternité, et deux personnes charitables de la ville lui proposèrent d’acheter sa propriété de l’ancienne Visitation, son église principalement pour les Révérend Père Rédemptoristes, fondés par le Saint Docteur Alphonse de Liguori. Le Révérend Père Mouron, alors Provincial de Belgique, actuellement Supérieur Général de toute la Congrégation, vint pour régler l’acquisition de l’immeuble. Il se proposait, avant de se fixer à Téterchen d’acquérir une maison d’études pour les jeunes Liguoriens et une église où les nombreux Allemands, établis depuis peu à Metz célébrerait leurs offices religieux. Les conventions étaient acceptées de part et d’autre, sauf quelques détails à régler, il ne restait plus que la permission de l’Ordinaire à obtenir, lorsque tout vint à échouer.
Monsieur Morlanne ruiné, endetté par tous les efforts de sa charité, menacé d’être poursuivi judiciairement vit, sans pouvoir s’y opposer son immeuble vendu à une industrie pour la somme de 40 000 Francs. L’acte de vente porte la date du 29 avril 1852. Toutefois nous avons hâte d’ajouter que dans les nouvelles dispositions qui furent prises, l’église Saint-Charles demeure à peu près intacte, on avait pensé qu’elle pourrait être rendue au culte. […]
Malgré son grand âge et ça sensibilité bien connue, Monsieur Morlanne fut alors ce qu’il avait été toute sa vie : l’homme du sacrifice, entièrement soumis à la volonté de Dieu. Une seule parole s’échappa de ses lèvres : « quel malheur, dit-il, de voir ce beau Monastère transformé en un vulgaire entrepôt ! » Parole de regret bien légitime, quand on considère le dur et amer sacrifice qui lui était imposé.