Fondation du Monastère de Metz, 56ème de l’Ordre, établi d’abord le 24 avril 1633 – retranscription de l’original sis aux Archives Départementales de Moselle
Mort de la Mère Jeanne Marie de Foigny 1715.
Cependant Dieu réservait à cette Communauté un bien douloureux sacrifice, par la mort de la digne Supérieure qui savait si bien la conduire à Lui. Une grave maladie avait notablement altéré sa santé, et depuis dix-huit mois elle ne faisait plus que languir, en sorte que son grand courage seul la soutenait. Le 1er septembre, de l’année 1715, elle fut atteinte d’une fièvre continue, jointe à une fausse pleurésie, qui la réduisit bientôt à l’extrémité, et rendit tous les remèdes humains inutiles. Nous eûmes recours aux voeux et aux prières, chacune de nous offrit sa vie au Seigneur pour la conservation de celle de cette Mère chérie ; mais le moment où le Seigneur voulait récompenser la fidélité de son épouse était arrivé, et il nous fallut adorer ses desseins avec une humble soumission. Notre bonne Mère nous y exhorta elle-même ; car, comme elle s’affaiblissait beaucoup, nous la priâmes de nous dire quelque chose pour notre consolation, elle ne répondit que par ce peu de mots : « je rends mille actions de grâce à Dieu, de la soumission qu’Il me donne à ses adorables volontés, conformez-vous-y vous-mêmes, et ne vous laissez point abattre par la douleur. Je vous porte toutes dans mon coeur, et je vous aime très tendrement ! » La peine qu’elle avait à parler, et l’attendrissement que lui causait notre désolation, ne lui permirent pas d’en dire davantage.
Elle demanda elle-même le Saint Viatique, qu’elle reçue avec une entière présence d’esprit, et avec des sentiments de piété et de respect qu’il est difficile d’exprimer ; elle montra les mêmes sentiments pour le sacrement d’Extrême-onction. Comme on s’aperçut peu après qu’elle baissait beaucoup, on lui fit la recommandation de l’âme, et tandis qu’on en récitait les prières, elle rendit doucement son esprit à son créateur, vers deux heures après-midi, le jour de la Nativité de la Sainte Vierge, à l’âge de 69 ans, dont 52 de profession. Ainsi fini dans la mort des saintes, cette chère et respectable Mère, dont la mémoire vivra toujours dans notre Communauté. Elle s’était toujours regardée en ce monde comme sur une terre étrangère, ne soupirant qu’après la Patrie céleste. Nous avons la confiance que le Seigneur ne lui en retarda pas l’entrée, car, loin de causer aucune des terreurs que la mort inspire, elle nous parut beaucoup plus belle que durant sa vie, et comme abîmer dans une profonde contemplation. Pendant les 27 heures que nous conservâmes cette chère défunte, les membres restèrent aussi flexibles que ceux d’une personne qui dort tranquillement. Les personnes les plus considérables de la ville nous marquèrent la part qu’elles prenaient à notre juste affliction, spécialement Mesdames les Abbesses de Saint-Pierre et de Sainte-Marie. Monseigneur de Coislin, qui était alors à Paris, nous fit l’honneur de nous écrire sur ce sujet de la manière la plus obligeante. À son retour il daigna nous marquer encore de vive voix combien il était sensible à notre perte, nous disant plusieurs fois : « j’aimais cette chère Mère, on trouve peu de filles de son mérite, et d’un aussi bon caractère d’esprit : pour les vertus vous en jugiez par vous-mêmes, mes chères Soeurs ». En effet nous étions à même d’en juger et ses grands exemples restèrent gravés dans nos coeurs.