Fondation du Monastère de Metz, 56ème de l’Ordre, établi d’abord le 24 avril 1633 – retranscription de l’original sis aux Archives Départementales de Moselle

Description de l’église.

Une vaste porte à la rustique, orné des armes de la maison, entre ces frontons d’ordre dorique, qui regarde une des plus belles rues de la ville, donne entrée à une petite cour, par laquelle on aborde obliquement au Monastère, et directement à l’église, dont la porte du même ordre que la première, est rehaussée de deux grandes marches, entourée de quatre colonnes de huit pieds de haut, soutenues de leurs piédestaux, couronnées de chapiteaux, architraves, frises, corniches et frontons, au milieu desquelles s’élève une croix de cinq pieds, qui semble avoir pour couronne un œil de bœuf, environné de deux grandes fenêtres carrées, avec corniches et frontons comme le reste du portail, duquel on passe à l’église. Elle est toute d’ordre ionique et rappelle le calvaire étant en forme de Croix, dont la nef fait le long ; le dôme la couronne ; le derrière de l’Autel, la haute extrémité, et les collatéraux de part et d’autre, un peu enfoncés, en font la croisée. Cette nef et d’une étendue de 46 pieds du Roi, élevée de 34 élargie de 24. Quatre grands piédestaux, bien délicatement travaillés, soutiennent les pilastres, qui soutiennent l’architrave, les frises et corniches qui règnent tout autour de l’église, au dessus desquelles posent les arrachements de la voûte, qui contient de vives arêtes à la moderne. Quatre grands jours, deux de chaque côté, l’éclairent parfaitement sans y comprendre ceux du portail. Le presbytère est borné d’une balustrade considérable pour sa matière, forme et figure, pendant que les deux bouts s’avancent en long dans la nef, et s’arrêtent également aux deux premiers pilastres, auprès desquels il y a entrée de part et d’autre qui répond aux deux Autels collatéraux ; sans celle du milieu qui donne droit au Maître-Autel. La matière et la forme de celle-là sont de marbre bâtard tourné avec étude et artifice, élevé de trois pieds et ornés de corniches. Quatre doubles pilastres, ornés de leurs chapiteaux, enveloppent le sanctuaire qui est couronné d’un dôme fort élevé fait à la romaine éclairé de huit jours qui donnent une clarté merveilleuse. Il est enrichi d’une corniche à la corinthienne, les trumeaux d’entre ces jours sont remplis des figures des quatre Évangélistes, et le fond en haut est occupé par un tableau du Père Éternel, qui d’une main soutenant le monde, étend l’autre si naturellement, qu’à le voir on dirait qu’Il montre au doigt, et veut faire entendre à tous ceux qui l’envisagent, que cette église est le lieu de ses amours et de ses complaisances. Ce tableau est fait en rondeur de trois pieds en diamètre, avec un grand ouvrage peint en feuillage d’azur et jaune doré, duquel sortent en forme de croix de grandes mauresques, qui jettent les unes des flammes, les autres de gros bouquets de fleurs, au défaut ou bord desquelles sont quatre Chérubins, qui soutiennent de grands festons de fleurs et de fruits, qui se tiennent tous ensemble par de grands rubans incarnats et bleus, dont tout le vide est agréablement bien rempli.

La croisée de la Croix, que l’église représente, porte les deux bras aux deux côtés du Maître-Autel : ils sont voûtés en forme de coquille, aussi bien que la haute extrémité de ladite Croix, que fait la Sacristie dont nous parlerons plus tard. Du côté de l’Évangile est la Chapelle de la Visitation auprès de la grille du chœur, qui perce en demi rond un ovale dans l’intérieur. Elle est surmontée d’une autre grille, d’une forme et grandeur approchant de celle-ci pour l’infirmerie. Du côté de l’Épître est la Chapelle de Saint-François de Sales, éclairée d’un jour semblable à ceux de la nef. Au milieu de ces deux chapelles paraît éminemment et majestueusement le Maître-Autel, un peu plus enfoncé entre les deux plus éminents pilastres du dôme qui lui sert d’un dais ou couronne merveilleusement éclatante. Il est rehaussé de quatre marches bien amples, et qui l’environnent avantageusement : elles sont aussi bien que le plafond, d’une pierre très rare et belle, rendu semblable au marbre jaspé, par le travail et la sueur des Religieuses, qui par leurs soins et artifices lui en ont presque donné le naturel, aussi bien qu’aux piédestaux, frontons, corniches, et au reste d’une table d’Autel, qui est d’ordre corinthien, et travaillé avec tant d’adresse, de subtilité et de succès qu’on peut dire avec vérité que c’est un chef-d’oeuvre, où l’art s’est épuisé pour le rendre parfait.

Son dégagement donne la liberté d’en faire le tour, au moyen des portiques qui donnent entrée de part et d’autre à la Sacristie, à la faveur des Apôtres Saint-Pierre et Saint-Paul, qui en donnent ou défendent l’entrée ; et il est appuyé et enrichi de quatre grandes colonnes de marbre noir, hautes de huit pieds sept pouces, soutenues de leurs bases et couronnées de leurs chapiteaux. Rien de plus propre et de plus modeste que la Sacristie qui occupe tout le derrière de l’Autel ; elle prend un jour assez élevé et considérable, à l’extrémité d’un Jubé agréable qui découvre toute l’église par-dessus les portiques et qui pour ne la découvrir qu’à moitié en long, lui laisse encore prendre bonne part à de grands jours pareils à ceux de la nef dont il est éclairé.

Voilà en gros la forme de cette belle église qui reçoit beaucoup d’agrément d’une couleur de chair dont toutes les corniches, tant du dôme que de la nef, les pilastres, les chapiteaux, frises et architraves ainsi que le tour de la grande porte de l’église, des fenêtres, des deux grilles, des arcades et cadres des tableaux du dôme avec les arrachements sont agréablement revêtues ; le reste étant très bien blanchi, tant il est vrai que tout y attire les yeux et l’admiration d’un chacun. Venons maintenant à la décoration.