Fondation du Monastère de Metz, 56ème de l’Ordre, établi d’abord le 24 avril 1633 – retranscription de l’original sis aux Archives Départementales de Moselle
Triste départ de la vertueuse Déposée.
Mais cette grande âme ignorait alors que c’était le moyen par lequel le divin Sauveur voulait lui faire part de l’amertume de son Calice, par des Croix et des afflictions très sensibles, Dieu ayant accepté l’offre qu’elle avait fait de tout elle-même à sa divine Majesté, pour souffrir tout ce qui lui plairait ; elle fit cet acte par un transport de zèle et de charité, dans une occasion où il y allait du salut d’une personne de sa connaissance. Il s’éleva donc tout à coup une bourrasque épouvantable dans un certain esprit qui, sous quelques prétextes assez spécieux, entreprit de faire sortir de Metz cette Très Honorée Sœurs, et de la faire retourner à Pont-à-Mousson. La chose se fit si adroitement qu’elle n’en eut aucune connaissance ; elle fut accusée près de Messieurs ses Supérieurs de plusieurs faits assez mal fondés, mais tout son crime était que notre Communauté conservait trop de tendresse et de confiance pour elle, comme si ce n’était pas un devoir et une justice d’avoir du respect et de la reconnaissance pour les Déposées, vu même que nos saintes règles nous l’ordonnent. Combien donc il était juste d’en avoir pour cette chère Sœur qui avait pris tant de peines, et avait tant souffert pour cette fondation, dont elle avait élevé toutes les Sœurs comme ses chers enfants. Cependant on obtint les obéissances et permissions nécessaires, et l’on envoya un honnête ecclésiastique, une Sœur tourière et un équipage sans lui en rien dire.
Le soir de cette triste journée étant venu, on conduisit cette vertueuse Déposée vers la porte de clôture, sous prétexte de voir une muraille que l’on faisait faire, et on lui dit alors qu’il fallait retourner à son Monastère de profession, lui mettant en main l’obéissance du Père Spirituel. Alors cette vraie humble et parfaite obéissante, par une vertu rare est solidement établie, se jeta à genoux et, sans demander ni pourquoi ni par quelle raison, elle acquiesça à la volonté de Dieu qui lui était signifiée, elle demanda seulement d’aller dire adieu à ses chères Sœurs, et filles bien-aimées. On le lui refusa dans la crainte qu’une telle surprise ne fit du bruit, la porte de clôture fut ouverte à l’instant, et elle entra dans le carrosse avec la Sœur tourière ; ce qui est admirable, c’est que dans tout le voyage cette chère Déposée ne témoigna jamais être touchée de ce procédé étrange. Dès que la Communauté sut qu’elle était sortie et de quelle manière, ce fut une consternation terrible dans notre maison ; les larmes et les soupirs mettaient toutes les Sœurs dans un état pitoyable ; mais enfin la vertu qu’elles avaient si bien apprise de cette chère Fondatrice, les fit soumettre aux ordres de la divine Providence dans une occasion si sensible.
Notre Très Honorée Mère Anne Françoise Chardon gouverna cette Communauté avec bénédiction et un très grand zèle pour la pratique exacte de nos saints règlements, qu’elle trouvait par la grâce de Dieu très bien établie dans notre Maison, n’ayant qu’à maintenir et perfectionner ce qui était si bien commencé. Elle se consumait de peines et de travaux pour l’utilité de la Communauté ; nous lui sommes redevables des pompes de pierre pour les lessives, et d’une grande citerne, qu’elle et nos Sœurs creusèrent à la cave avec une fatigue inconcevable, ce qui nous est très utile.